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V. Macky Sall (2012 – 2024) : une gouvernance sous le feu des critiques

Macky Sall, président de la République de 2012 à 2024


2012 (2 avril) : Macky Sall, de l’Alliance pour la République (APR), est investi président de la République. L’origine de son patrimoine, publié le 12 avril, de 1,3 milliard de francs CFA (près de deux millions d’euros) suscitera des interrogations. 

2012 (1er juillet) : regroupant l’Alliance pour la République (APR), l’Alliance des forces de progrès (AFP) de Moustapha Niasse, le Parti socialiste (PS) d’Ousmane Tanor Dieng et Rewmi d’Idrissa Seck, la coalition Benno Bokk Yakaar (BBY) remporte les élections législatives (53,06 % des voix et 119 sièges sur 150, contre 12 pour le PDS d’Abdoulaye Wade). La participation n’est que de 36,67 %.

2012 (19 septembre) : la nouvelle majorité parlementaire vote la suppression immédiate du Sénat.

2012 (28 décembre) : la loi portant création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) est promulguée. Les obstacles à la mission de cet organisme seront multiples : mise en place très lente, nombreux refus de déclaration de patrimoine, révocation de facto de la présidente Nafi Ngom Keïta le 25 juillet 2016 après l’ouverture d’une enquête visant un frère du président Sall, non-publication de rapports en temps opportun, défaut de sanctions judiciaires ou administratives...

2013 (30 juin) : accusé de crimes contre l’humanité, l’ancien président tchadien Hissène Habré est arrêté à Dakar où il vit en exil depuis 22 ans. Il sera condamné à la perpétuité le 30 mai 2016 par les Chambres africaines extraordinaires (CAE).

2014 (30 juin) : les élections communales, municipales et départementales sont marquées par la défaite de la plupart des figures du parti présidentiel, y compris la Première ministre Aminata Touré à Dakar, et une faible participation (37 %).

2014 (6 juillet) : Mahammed Dionne est nommé Premier ministre, succédant à Aminata Touré (1er septembre 2013 au 6 juillet 2014) et à Abdoul Mbaye (5 avril 2012 au 1er septembre 2013).

2014 (7 octobre) : des annonces de découvertes de gisements de pétrole et surtout de gaz naturel vont s’enchaîner entre 2014 et 2018. Selon les estimations, l’exploitation des hydrocarbures devrait rapporter au Sénégal 30 milliards de dollars au total sur une période de 30 ans

2015 (23 mars) : en détention provisoire depuis le 17 avril 2013, Karim Wade, fils et ex-ministre de l’ancien président Abdoulaye Wade (2000−2012), candidat à la présidentielle de 2019, est condamné pour enrichissement illicite à 6 ans de prison et 138 milliards de francs CFA (210 millions d’euros) d’amende. Le 24 juin 2016, il sera gracié sans dispense de l’amende et s’exilera au Qatar.

2015 (4 mai) : le président Macky Sall informe l’Assemblée nationale de l’envoi prochain de 2 100 soldats en Arabie saoudite dans le cadre de la guerre contre les rebelles chiites Houthis au Yémen.

2015 (18 septembre) : suite au coup d’État perpétré la veille contre les organes de la transition au Burkina Faso par le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) resté fidèle à l’ex-président Blaise Compaoré (renversé le 31 octobre 2014 par un soulèvement populaire après 27 ans de règne), le président Macky Sall, président en exercice de la CEDEAO, initie à Ouagadougou une médiation qui est vivement critiquée pour ne pas appliquer le principe de fermeté de l’organisation régionale à l’égard des putschistes, à la différence de la position prise dès le départ par l’Union africaine. En fin de compte, la pression exercée par la population (au prix de 15 morts et plus de 300 blessés officiellement), la société civile et le reste des forces armées burkinabè sur les putschistes mettra fin au coup d’État et à la proposition de sortie de crise du président Macky Sall, dont la troublante complaisance à l’égard des putschistes s’explique sans doute par sa connivence avec Abidjan et Lomé – une facette peu connue de sa gouvernance. En effet, lors du procès du putsch manqué, qui s’ouvrira à Ouagadougou le 27 février 2018, plusieurs accusés de premier plan impliqueront la Côte d’Ivoire et le Togo, tandis que des écoutes téléphoniques versées au dossier révèleront – fait gravissime – des contacts avec des groupes djihadistes du Mali susceptibles d’apporter un appui aux putschistes.

2016 (20 mars) : une révision constitutionnelle par référendum réduit la durée du mandat présidentiel de sept ans à cinq ans. Le taux de participation au référendum est faible, soit 38,59 % (contre 67,4 % lors du précédent référendum de 2001).

2016 (2 mai) : le Sénégal et les États-Unis signent un accord visant à faciliter la présence de militaires américains dans le pays.

2016 (29 août) : le président Macky Sall révoque Ousmane Sonko, inspecteur des impôts − et chef du parti d’opposition PASTEF créé le 4 janvier 2014 −, qui a accusé plusieurs personnalités d’avoir illégalement bénéficié d’avantages fiscaux.

2017 (19 janvier) : le Sénégal et quatre autres pays de la CEDEAO engagent une intervention militaire en Gambie pour forcer l’ex-président Yahya Jammeh à céder le pouvoir au nouveau président Adama Barrow élu le 1er décembre 2016.

2017 (7 mars) : dissident du Parti socialiste (PS), maire de Dakar et candidat à la présidentielle de 2019, Khalifa Sall est inculpé et placé en détention provisoire pour « escroquerie sur les deniers publics ». Le 30 mars 2018, il sera condamné à 5 ans de prison (à l’issue d’un procès que la Cour de justice de la CEDEAO jugera inéquitable le 29 juin 2018), peine confirmée en appel le 30 août 2018. Il sera révoqué en tant que maire de Dakar par décret présidentiel le 31 août 2018, déchu de son mandat de député le 17 janvier 2019, avant d’être gracié et libéré le 29 septembre 2019, sept mois après la présidentielle à laquelle il aura été empêché de se présenter

2017 (30 juillet) : regroupant alors l’Alliance pour la République (APR), l’Alliance des forces de progrès (AFP) de Moustapha Niasse et le Parti socialiste (PS) d’Ousmane Tanor Dieng, la coalition Benno Bokk Yakaar (qui soutient le président Macky Sall) arrive en tête des législatives (49,47 % des voix et 125 sièges sur 165, contre 19 pour la coalition Wattu Senegaal d’Abdoulaye Wade et 7 pour la coalition Mankoo Taxawu Senegaal de Khalifa Sall et d’Idrissa Seck). Le taux de participation est de 53,66 %.

2017 (13 septembre) : le président Macky Sall nomme son frère Aliou Sall à la tête de la Caisse des dépôts et consignations, importante institution financière publique. Ce dernier sera contraint à la démission le 24 juin 2019, car accusé par la BBC d’avoir perçu un pot-de-vin de 250 000 dollars dans un contrat gazier au Sénégal. L’affaire sera classée sans suite par la justice sénégalaise le 29 décembre 2020.

2018 (11 mai) : malgré les très vives critiques de l’opposition et de la société civile, pour qui elle vise à éliminer le maximum de candidats pour permettre au président Macky Sall d’être réélu dès le premier tour du scrutin présidentiel de février 2019, la loi constitutionnelle 14-2018 du 11 mai 2018 instaurant l’obligation de récolter les signatures (« parrainages ») d’au moins 0,8 % des inscrits du fichier électoral pour être candidat à l’élection présidentielle est promulguée. Elle sera suivie par la loi 2018-22 du 4 juillet 2018 généralisant et adaptant l’obligation de parrainage pour tous les types d’élections (présidentielle, législatives, départementales et municipales). Dans un arrêt rendu le 28 avril 2021, la Cour de justice de la CEDEAO jugera que le système de parrainage « constitue un véritable obstacle à la liberté et au secret de l’exercice du droit de vote, d’une part, et une sérieuse atteinte au droit de participer aux élections en tant que candidat, d’autre part. »

2019 (14 janvier) : le Conseil constitutionnel rejette la candidature à l’élection présidentielle des opposants  Khalifa Sall et Karim WadeLe quartier général de l’opposant candidat Ousmane Sonko sera saccagé dans la nuit du 23 au 24 janvier.

2019 (21 janvier) : un pont reliant le Sénégal et la Gambie, réalisation d’un rêve vieux de 50 ans, est inauguré.

2019 (24 février) : le président Macky Sall est réélu au premier tour de l’élection présidentielle (58,26 % des voix), devant Idrissa Seck de Rewmi (20,51 %) et Ousmane Sonko du PASTEF (révélation du scrutin, 15,67 %). La participation est de 66,27 %.

2019 (14 mai) : la loi constitutionnelle portant suppression du poste de Premier ministre est promulguée. Une loi rétablissant ce poste sera promulguée le 20 décembre 2021, mais le nouveau titulaire, Amadou Ba, ne sera nommé que le 17 septembre 2022.

2020 (1er octobre) : le Sénégal signe avec l’Union européenne, pour 5 ans, un accord de pêche démesurément défavorable. Faisant vivre plus de 600 000 personnes, la pêche artisanale est victime d’une dramatique surexploitation imputable notamment à des vaisseaux européens et chinois pour la production de farine de poisson. La crise du secteur contribue largement à l’émigration clandestine.

2020 (24 octobre) : au moins 140 migrants meurent dans le naufrage d’une embarcation au large des côtes sénégalaises, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). L’ONG Watch The Med Alarm Phone avancera un bilan total de 480 personnes mortes en tentant de rejoindre l’Europe à partir des côtes du Sénégal en l’espace d’une semaine fin octobre 2020.

2020 (1er novembre) : après en être sorti le 11 septembre 2013, Idrissa Seck (de Rewmi) rallie la majorité présidentielle en tant que président du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il la quittera le 14 avril 2023 en vue d’une candidature à la présidentielle de 2024.

2021 (2 janvier) : le PASTEF, parti dirigé par Ousmane Sonko, est menacé de dissolution par le gouvernement, pour avoir organisé une levée de fonds en ligne, autrement dit en toute transparence, auprès des citoyens du Sénégal et de la diaspora.

2021 (3 mars) : en se rendant au tribunal pour répondre d’accusations de viols et de menaces de mort portées contre lui le 6 février 2021 − qu’il dénonce comme un complot du président Macky Sall pour l’écarter de l’élection présidentielle de 2024 −, Ousmane Sonko, leader de l’opposition, est arrêté et accusé de « trouble à l’ordre public » et « participation à une manifestation non autorisée ». Il s’ensuivra des manifestations et émeutes au cours desquelles 14 personnes seront tuées (dont 12 par des tirs des forces de défense et de sécurité), selon Amnesty International. Ousmane Sonko sera libéré sous contrôle judiciaire le 8 mars 2021.

2021 (3 mars) : le jour de l’arrestation d’Ousmane Sonko, le Mouvement de défense de la démocratie (M2D) est créé par des parlementaires de l’opposition, leaders politiques et responsables d’organisations citoyennes.

2021 (2 septembre) : la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi (YAW) est officiellement lancée par le PASTEF d’Ousmane Sonko, Mankoo Taxawu Senegaal de l’ex-maire de Dakar Khalifa Sall et le Parti de l’unité et du rassemblement (PUR) de Moustapha Sy.

2021 (8 octobre) : la coalition d’opposition Wallu Sénégal est officiellement lancée par le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade, le Congrès de la renaissance démocratique (CRD), la coalition Jotna, And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS) et la Convergence démocratique Bokk Guiss Guiss.

2021 (27 décembre) : le président Macky Sall inaugure la mise en circulation commerciale du premier tronçon (Dakar-Diamniadio) du train express régional (TER), projet emblématique du Plan Sénégal émergent (PSE). Le coût officiel de ce tronçon, de 780 milliards de francs CFA (1,2 milliard d'euros) pour 36 km et une vitesse de pointe de 160 km/h, est source de polémique et d’interrogations, si l’on le compare à celui d’ouvrages de référence, par exemple la ligne à grande vitesse Tanger-Casablanca au Maroc d’un coût de 1 437 milliards de francs CFA (2,2 milliards d’euros) pour 350 km et une vitesse de pointe de 320 km/h.

2022 (23 janvier) : aux élections municipales et départementales, la coalition d’opposition Yewwi Askan Wi (YAW) conquiert plusieurs capitales régionales, ce qui s’apparente à un vote-sanction contre la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY). Ousmane Sonko, leader de l’opposition, est élu maire de Ziguinchor.

2022 (5 février) : le président Macky Sall prend, pour une année, la présidence tournante de l’Union africaine.

2022 (25 mai) : 11 bébés meurent dans un incendie révélateur des carences du système de santé ; l’émotion est vive dans le pays.

2022 (30 mai) : Yewwi Askan Wi (YAW), principale coalition d’opposition, voit sa liste nationale de candidats titulaires invalidée pour les prochaines législatives, et devra y participer avec sa liste nationale de candidats suppléants, c.-à-d. sans ses principaux leaders. Le 17 juin, au moins trois personnes seront tuées à Dakar, Bignona et Ziguinchor, lors de manifestations de protestation contre cette invalidation, interdites et réprimées ; trois élus, arrêtés ce jour, seront placés sous mandat de dépôt le 20 juin et libérés le 27 juin.

2022 (3 juin) : l’Assemblée nationale sortante vote nuitamment et sans débat une loi ouvrant la porte aux organismes génétiquement modifiés (OGM), alors que ceux-ci sont très controversés dans le pays.

2022 (31 juillet) : regroupant l’Alliance pour la République (APR), l’Alliance des forces de progrès (AFP) de Moustapha Niasse, le Parti socialiste (PS) et Rewmi d’Idrissa Seck, la coalition Benno Bokk Yakaar (de Macky Sall) arrive en tête des législatives mais perd la majorité absolue détenue depuis 2012 (46,56 % des voix et 82 sièges sur 165, contre 56 pour la coalition Yewwi Askan Wi (YAW) d’Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Serigne Moustapha Sy et 24 pour la coalition Wallu Senegal d’Abdoulaye Wade). Pour conserver la majorité, Benno Bokk Yakaar s’alliera à Convergence démocratique Bokk Gis Gis (BGG) qui détient 1 siège. La participation est de 46,60 %.

2022 (12 septembre) : la session inaugurale de l’Assemblée nationale tourne à la « foire d’empoigne » lors de l’élection du bureau. Démissionnaire du groupe parlementaire soutenant le président Macky Sall, l’ex-Première ministre Aminata Touré sera déchue de son mandat de députée par la majorité présidentielle le 24 janvier 2023.

2022 (17 septembre) : organisés par le mouvement citoyen international Tournons La Page (TLP), un concert et une conférence sur la limitation des mandats présidentiels en Afrique sont interdits à Dakar.

2022 (25 octobre) : le réseau international de journalistes Organised Crime and Corruption Reporters Project (OCCRP) révèle que le ministère de l’Environnement du Sénégal a conclu un contrat secret de 77 millions de dollars avec un vendeur d’armes nigérien notoirement impliqué dans des transactions frauduleuses au Nigeria et dans son pays le Niger.

2022 (27 octobre) : la société civile lance l’initiative « Jàmm a Gën 3ᵉ mandat » (« la paix vaut mieux qu’un 3ème mandat »), pour faire pression sur le président Macky Sall afin qu’il respecte l’article 27 de la Constitution stipulant que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

2022 (12 décembre) : un rapport de la Cour des comptes met en lumière des irrégularités dans la gestion du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la COVID-19, doté de plus de 700 milliards de francs CFA (1,067 milliard d’euros). Devant l’inertie des autorités, un collectif d’une quarantaine d’organisations déposera une plainte devant la justice le 6 février 2023.

2022 (26 décembre) : 40 ans après le début du conflit armé ayant fait quelque 5 000 morts et des dizaines de milliers de personnes déplacées, la Casamance se trouve dans une situation de « ni guerre ni paix » : l’accalmie y est réelle, mais les mines anti-personnel et les accrochages armés épisodiques continuent dy faire des victimes.

2023 (21 mars) : plus d’une centaine d’intellectuels au Sénégal et dans d’autres pays signent une tribune interpellant le président Macky Sall sur les atteintes aux droits et libertés et l’instrumentalisation de la justice.

2023 (30 mars) : le chef de file de l’opposition Ousmane Sonko est condamné à 2 mois de prison avec sursis et à une amende de 200 millions de francs CFA (305 000 euros) pour diffamation dans une affaire l’opposant au ministre du Tourisme. En appel, le 8 mai 2023, la peine de prison sera portée à 6 mois avec sursis et l’amende sera confirmée. Lors du procès en cassation, le 4 janvier 2024, les deux peines seront confirmées par la Cour suprême.

2023 (6 avril) : le président Macky Sall nomme son chef d’état-major particulier, le général Mbaye Cissé, nouveau chef d’état-major général des armées, en remplacement et avant la fin du temps de commandement du général Cheikh Wade.

2023 (14 avril) : secrétaire général et « numéro deux » du PASTEF d’Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye est incarcéré suite à une publication sur les réseaux sociaux critiquant le comportement de certains magistratsAlors candidat favori de l’élection présidentielle finalement reportée au 24 mars 2024, il ne sera libéré que le 14 mars 2024, soit six jours après le début de la campagne électorale.

2023 (16 avril) : coalition de plus d’une centaine de partis politiques, organisations de la société civile, syndicats et personnalités indépendantes, la plateforme « F24 » est créée pour faire barrage à un troisième mandat du président Macky Sall.

2023 (3 mai) : au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), le Sénégal perd 31 places (104ème rang) en 2023, après avoir déjà perdu 24 places (73ème rang) sur 180 pays en 2022. Une chute vertigineuse, qui s’explique par une multiplication des arrestations de journalistes, des suspensions de médias, ainsi que des restrictions d’accès à Internet et aux réseaux sociaux.

2023 (31 mai) : le président Macky Sall ouvre un « dialogue national », boycotté par une partie de la société civile et de l’opposition y compris le PASTEF d’Ousmane Sonko (et dont il recevra le rapport final des travaux le 24 juin 2023). Empêché par les forces de l’ordre le même jour, le « contre-dialogue » organisé par la plateforme F24 ne sera finalement lancé que le 20 juin. En effet, le Sénégal connaît une multiplication inédite des interdictions de réunions, conférences de presse et manifestations sur la voie publique organisées par des voix dissidentes.

2023 (1er juin) : après des heurts entre forces de l’ordre et manifestants ayant causé au cours de la deuxième quinzaine de mai 4 morts en marge d’une affaire politico-judiciaire de viols allégués, Ousmane Sonko (maintenu en résidence surveillée du 28 mai au 24 juillet) est condamné in absentia à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». En trois jours, au moins 23 personnes seront tuées, selon Amnesty International, et plus de 500 autres interpellées, dans la répression des manifestations et émeutes. Le 8 juin, la partie civile interjettera appel, ouvrant la voie à la tenue d’un nouveau procès.

2023 (1er juin) : la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor (capitale régionale de la Casamance et ville dont est maire l’opposant Ousmane Sonko) est suspendue sine die officiellement pour des « raisons de sécurité », ce qui porte un coup rude à l’économie de la région enclavée.

2023 (5 juin) : la Synergie des organisations de la société civile pour la paix (SOS/Paix) est créée par une vingtaine d’associations pour œuvrer à la tenue d’élections apaisées, inclusives et transparentes en 2024.

2023 (3 juillet) : à la surprise générale, le président Macky Sall annonce qu’il ne sera pas candidat à un troisième mandat. Les fortes pressions de la société civile et de l'opposition politique contre ses velléités de candidature anticonstitutionnelle l’auront dissuadé en fin de compte.

2023 (28 juillet) : suite à une altercation avec une gendarme l’ayant pris en photo au moyen d’un téléphone portable devant son domicile, le leader de l’opposition Ousmane Sonko est arrêté et placé en garde à vue.

2023 (31 juillet) : Ousmane Sonko est inculpé pour « appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, actes et manœuvres visant à compromettre la sécurité publique de l’État et visant à créer des troubles politiques graves, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste [et] vol de téléphone portable » et écroué. Son parti politique, le PASTEF, est dissous par décret, et l’accès mobile à Internet est suspendu. Ce jour-là, au moins 3 personnes trouveront la mort lors d’échauffouréesIl est à noter que, le 27 mars 2024, le président Macky Sall prendra le décret 2024-830 abrogeant le décret de dissolution.

2023 (1er août) : un bus transportant des passagers est attaqué au cocktail molotov dans la banlieue de Dakar ; l’acte non revendiqué, qui se solde par 2 morts et 5 blessés (dont 2 graves), est unanimement condamné par la classe politique.

2023 (4 août) : à l’issue d’une réunion des chefs d’état-major de la CEDEAO visant à définir les contours d’une « éventuelle intervention militaire » au Niger suite au putsch y ayant renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet 2023, 4 pays contributeurs de troupes sont officieusement annoncés : Bénin, Côte d’Ivoire, Nigeria et Sénégal. Le 8 août, 168 personnalités du monde politique et de la société civile du Sénégal exprimeront, à travers une tribune, leur opposition à une telle intervention.

2023 (14 août) : 38 survivants d’une pirogue partie des côtes sénégalaises 36 jours plus tôt (le 10 juillet) pour un voyage censé durer 7 jours à destination des îles Canaries en Espagne avec 101 personnes à bord sont secourus par un bateau de pêche à 290 km au nord-est des îles du Cap-Vert. Vents défavorables, panne de carburant, longue dérive, non-assistance de plusieurs bateaux croisés, soif, faim, désespoir et hallucinations auront causé la mort de 63 des passagers. Une tragédie parmi tant dautres, pour la plupart invisibles... S’ajoutant à la dégradation de la situation économique depuis 2020, les atteintes inédites aux droits et libertés dans le contexte de la grave crise politique née en 2023 auront constitué un catalyseur de la migration clandestine des jeunes, en proie à la pauvreté, à la colère, à la désillusion et, en fin de compte, à la désespérance. L’ONG espagnole Caminando Fronteras estimera à 3 176 le nombre de migrants clandestins morts en 2023 sur la « route Atlantique » reliant le Sénégal et les îles Canaries.

2023 (9 août) : à travers un communiqué, Yewwi Askan Wi (YAW), principale coalition d’opposition, exclut le parti Taxawu Senegal de Khalifa Sall. Conséquence, à la rentrée parlementaire du 14 octobre, les 14 députés de Taxawu Senegal démissionneront du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi.

2023 (22 août) : suite à la promulgation du nouveau code électoral, Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, et Karim Wade, fils et héritier politique de l’ex-président Abdoulaye Wade, recouvrent leur éligibilité pour la présidentielle de 2024.

2023 (23 août) : 142 personnalités de la société civile et du monde politique signent une pétition pour demander la libération de l’opposant Ousmane Sonko – qui observe depuis le 31 juillet une grève de la faim, qu’il suspendra le 2 septembre – et l’annulation de la dissolution de son parti, le PASTEFCette mesure extrême, de surcroît non judiciaire, ramène le Sénégal une soixantaine d’années en arrière, à l’époque de 1960-1964 où les précédentes dissolutions de partis politiques ont été imposées.

2023 (9 septembre) : le président Macky Sall désigne le Premier ministre Amadou Ba, 62 ans, candidat de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar (BBY) à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Il s’ensuivra des démissions, candidatures dissidentes et propos ou actes de défiance au sein de cette coalition au cours des semaines et mois suivants.

2023 (4 novembre) : par décret, le président Macky Sall révoque et remplace la totalité des 12 membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA). La décision fait polémique, car perçue comme motivée par une volonté de s’assurer la docilité de l’institution à la veille d’élections majeures – pour mémoire, le 30 octobre, la CENA a instruit la Direction générale des élections (DGE) de réintégrer l’opposant Ousmane Sonko sur les listes électorales sur la base d’une décision de justice.

2023 (11 novembre) : le Front pour l’inclusivité et la transparence des élections (FITE), regroupant 35 opposants candidats à la présidentielle de 2024, est créé pour œuvrer à la tenue d’élections libres et transparentes.

2023 (21 novembre) : les acteurs de la pêche tant artisanale qu’industrielle lancent la Coalition nationale pour une pêche durable (CONAPED), et, le 22 janvier 2024, lanceront une campagne pour la signature, par l’ensemble des candidats à la présidentielle, d’une charte en 13 points en vue de préserver la durabilité du secteur. Pour rappel, ce secteur fait vivre plus de 600 000 personnes au Sénégal, et son déclin continu contribue à l’émigration clandestine de dizaines de milliers de jeunes chaque année.

2023 (17 novembre) : saisie le 14 septembre, la Cour de justice de la CEDEAO juge que les droits de l’opposant Ousmane Sonko (droit à un procès équitable, liberté de manifester, liberté de circulation, droit de ne pas être arrêté arbitrairement…) n’ont pas été violés, mais ne se prononce pas sur sa radiation des listes électorales ni sur la dissolution de son parti le PASTEF.

2023 (30 novembre) : environ 200 enseignants manifestent sur le campus pour exiger la reprise des cours in situ à l’université publique Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar restée fermée sine die à ses 93 000 étudiants, officiellement pour des motifs de sécurité, depuis les émeutes des 1er et 2 juin 2023 y ayant occasionné des dégâts considérables. Près de six semaines plus tôt, le 23 octobre, la conférence de presse d’une organisation d’étudiants sur le même sujet de préoccupation a été dispersée à coup de grenades lacrymogènes au motif qu’elle n’était pas autorisée.

2023 (6 décembre) : alliance mondiale de plus de 15 000 OSC et activistes dans plus de 175 pays, qui, entre autres, évalue l’état de l’espace civique, CIVICUS déclasse le Sénégal dans la catégorie « réprimé » ; pour information, les différentes catégories de classement sont : « ouvert », « rétréci », « entravé », « réprimé » et « fermé ».

2023 (15 décembre) : démissionnaire depuis le 12 novembre 2020 de la coalition au pouvoir et candidat à la présidentielle, Moussa Diop est arrêté et placé en détention pour avoir allégué des intérêts occultes du président Macky Sall et d’un de ses anciens ministres dans l’exploration diamantifère au SénégalIl sera libéré le 5 mars 2024.

2023 (29 décembre) : le meeting d’investiture de l’opposant emprisonné Ousmane Sonko à l’élection présidentielle, prévu pour le lendemain (30 décembre), est interdit pour « menaces de troubles à l’ordre public, entrave à la libre circulation des personnes et des biens et risque d’infiltration par des personnes malintentionnées ».

2024 (5 janvier) : le Conseil constitutionnel rejette le dossier de candidature d’Ousmane Sonko à l’élection présidentielle du 25 février 2024, pour défaut d’une pièce obligatoire, à savoir l’attestation de versement de la caution de 30 millions de francs CFA soit environ 46 000 euros (attestation dont la délivrance a été refusée le 30 novembre 2023 par la Caisse des dépôts et consignations au motif d’une inéligibilité de l’intéressé) ; cependant, la décision est susceptible de recours à ce stade. Par ailleurs, la veille, lors du procès en cassation dans une affaire de diffamation opposant le ministre du Tourisme à Ousmane Sonko, jugée en première instance le 30 mars 2023 et en appel le 8 mai 2023, la Cour suprême a confirmé la peine de 6 mois de prison avec sursis et l’amende de 200 millions de francs CFA (305 000 euros) imposées à Ousmane Sonko.

2024 (20 janvier) : à l’issu du processus de dépôt des candidatures (93 au total) du 11 au 26 décembre 2023, de validation ou de rejet de celles-ci et, le cas échéant, de régularisation et de recours, le Conseil constitutionnel publie une liste définitive de 20 candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Sans surprise, la candidature du chef de file de l’opposition emprisonné Ousmane Sonko est rejetée, au motif de sa condamnation définitive à 6 mois de prison avec sursis le 4 janvier 2024. Néanmoins, trois candidatures substitutives au titre de sa coalition politique Yewwi Askan Wi (YAW) sont validées, dont celle de Bassirou Diomaye Faye (secrétaire général et « numéro deux » du PASTEF dissous par décret le 31 juillet 2023), lui aussi emprisonné (depuis le 14 avril 2023, suite à une publication sur les réseaux sociaux critiquant le comportement de certains magistrats).

2024 (20 janvier) : suite à un recours déposé par l’un de ses concurrents, la candidature de Karim Wade, fils et ex-ministre de l’ancien président Abdoulaye Wade (2000−2012), validée dans un premier temps, est finalement rejetée au motif dune double nationalité franco-sénégalaise à la date de dépôt de son dossier de candidature. Pour rappel, aux législatives du 31 juillet 2022, la coalition formée autour de son parti (le Parti démocratique sénégalais – PDS), Wallu Senegal, était arrivée en troisième position (14,46% des voix), derrière la coalition Yewwi Askan Wi (32,85 %) et la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar (46,56 %).

2024 (28 janvier) : à travers une vidéo préenregistrée, non datée et publiée sur sa page Facebook, le leader de l’opposition emprisonné Ousmane Sonko appelle à voter, à la présidentielle du 25 février 2024, pour Bassirou Diomaye Faye, « numéro deux » du PASTEF dissous par décret, lui aussi emprisonné.

2024 (28 janvier) : les régimes militaires en place au Mali, au Burkina Faso et au Niger annoncent conjointement leur retrait de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pour mémoire, celle-ci a été créée à Lagos, près de 49 ans plus tôt, le 28 mai 1975, par 15 États dont le Sénégal.

2024 (30 janvier) : une nouvelle fois, le doyen des juges ordonne le rejet de la demande de liberté provisoire introduite, notamment au nom du principe d’égalité entre les candidats, par les avocats de Bassirou Diomaye Faye, « numéro deux » du PASTEF dissous par décret, emprisonné depuis le 14 avril 2023. Le 1er février 2024, à travers un communiqué, la coalition « Diomaye Président » dénoncera non seulement le maintien en détention du candidat mais aussi un durcissement de ses conditions de détention. Le début de la campagne électorale est officiellement prévu pour le 3 février.

2024 (31 janvier) : à l’initiative du Parti démocratique sénégalais (PDS) du candidat recalé Karim Wade, l’Assemblée nationale (165 sièges) adopte (à 120 voix pour et 24 contre) la proposition de création d’une commission d’enquête parlementaire sur le processus de sélection des candidats par le Conseil constitutionnel, dont deux membres sont accusés par le PDS de collusion avec le Premier ministre-candidat Amadou Bâ et de corruption passive. Cependant, le 17 février 2024, ladite commission annoncera son dessaisissement – et donc sa dissolution – suite à l’ouverture d’une information judiciaire sur la base de la plainte d’un deux juges accusés de corruption.

2024 (3 février) : à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, le président Macky Sall annonce le report sine die de l’élection présidentielle du 25 février 2024 au motif d’une crise institutionnelle sous forme de conflit ouvert entre l’Assemblée nationale et la Cour constitutionnelle (selon nombre d’analystes, la véritable motivation du report serait plutôt les contestations irrémédiables et les doutes sérieux sur les chances de remporter l’élection, dont fait l’objet le Premier ministre-candidat Amadou Bâ au sein même de la coalition au pouvoir). S’ensuivent la démission du ministre secrétaire général du gouvernement – et le 6 février, de la ministre d’État et présidente du Comité national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives – et un véritable tollé au sein de l’opposition, de la société civile, du mouvement syndical et de l’opinion publique, la mesure prise par le président étant qualifiée de « coup d’État institutionnel ».

2024 (5 février) : après l’évacuation forcée des députés de l’opposition par des gendarmes, l’Assemblée nationale (165 sièges) vote sans débat à la quasi-unanimité des députés présents (105 voix pour et 1 contre) un projet de loi visant à reporter l’élection présidentielle au 15 décembre 2024 et à habiliter le président de la République sortant à rester en poste [ndlr : sans limitation de durée explicite] jusqu’à l’entrée en fonctions de son successeur.
Ces nouvelles dispositions violent l’article 2 du protocole A/SP1/12/01 S de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, en vertu duquel : « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. » (alinéa 1) [ndlr : les « acteurs politiques » ne s’entendent pas seulement des députés] et « Les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la Constitution ou les lois électorales. » (alinéa 2).
Les nouvelles dispositions décriées violent également la Constitution du Sénégal, qui énonce à l’article 27 que « La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. » (alinéa 1) ; à l’article 31 que « Le scrutin pour l’élection du Président de la République a lieu quarante-cinq jours francs au plus et trente jours francs au moins avant la date de l’expiration du mandat du Président de la République en fonction. » (alinéa 1) ; et à l’article 103 que « La forme républicaine de l’État, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision. » (alinéa 7) et « L’alinéa 7 du présent article ne peut être l’objet de révision » (alinéa 8).

2024 (6 février) : dans une déclaration intitulée « Restaurer la République », plus d’une centaine d’universitaires du Sénégal et de la diaspora – le Collectif des universitaires pour la démocratie (CUD) – dénoncent une « forfaiture » du président Macky Sall et appellent les citoyens à s’ériger en rempart de leur République.

2024 (7 février) : le Front des candidats à la présidentielle (FC 25) est lancé, par 16 des 20 candidats validés par le Conseil constitutionnel, pour s’opposer au report du scrutin, notamment en engageant un double recours au niveau de la Cour suprême et du Conseil constitutionnel.

2024 (8 février) : la session extraordinaire du Conseil de médiation et de sécurité de la CEDEAO s’abstient de se prononcer sur la situation politique au Sénégal suite au report de la présidentielle, point pourtant inscrit à l’ordre du jour.

2024 (8 février) : composée d’une quarantaine d’organisations de la société civile, organisations syndicales, associations religieuses et personnalités indépendantes, la plateforme Aar Sunu Election (« Protégeons notre élection ») est lancée pour s’opposer au report – de 10 mois – de la présidentielle, à travers une série d’actions de mobilisationSa marche silencieuse à Dakar, notifiée aux autorités pour le 13 février, sera interdite moins de 24 heures avant l’évènement ; toutefois, elle sera reprogrammée et se tiendra sans incident le 17 février 2024.

2024 (9 février) : alors que celles des 4, 5 et 6 février à Dakar ont été empêchées, les tentatives de rassemblement sur la voie publique du 9 février à Dakar et dans d’autres villes sont durement réprimées, avec un bilan final de quatre morts et plus de 250 arrestationsLe 13 février, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme appellera les autorités sénégalaises à garantir les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, et, pour sa part, le porte-parole du secrétaire général des Nations Unies soulignera l’extrême importance du respect du droit des citoyens sénégalais à manifester pacifiquement sans être exposés à « un usage meurtrier de la force ».

2024 (14 février) : composé d’acteurs des médias, notamment de journalistes et de chroniqueurs, le Front pour la défense de la démocratie (FDD) est lancé.

2024 (15 février) : le Conseil constitutionnel déclare anticonstitutionnelle la loi (votée le 5 février) reportant l’élection présidentielle au 15 décembre 2024, annule le décret du président Macky Sall abrogeant un décret antérieur convoquant le corps électoral pour le 25 février 2024, et invite les autorités compétentes à organiser l’élection présidentielle « dans les meilleurs délais » à défaut de la date initialement prévue devenue impossible à tenir.

2024 (15 février) : un processus de mise en liberté provisoire, qui bénéficiera au fil des jours à quelques centaines de prisonniers dits « politiques », car arrêtés en lien avec la grave crise sociopolitique de 2021 à 2024, est amorcé par les autorités.

2024 (20 février) : alors que le processus électoral est à l’arrêt depuis le 3 février, le Front des candidats à la présidentielle (FC 25) – regroupant 16 candidats sur les 19 restants après le retrait d’une candidate – dénonce la « mauvaise volonté » du président Macky Sall à tenir le scrutin « dans les meilleurs délais » et dans tous les cas avant la fin de son mandat le 2 avril 2024.

2024 (26 février) : la reprise des cours en présentiel à l’université publique Cheikh Anta Diop (UCAD) de Dakar laisse un arrière-goût très amer en l’absence de réouverture du campus social qui héberge environ 38 000 des 93 000 étudiants. Pour rappel, l’UCAD était restée fermée depuis les émeutes y survenues les 1er et 2 juin 2023. Le campus social (qui comprend les dortoirs et les réfectoires) sera finalement rouvert le 21 mars 2024.

2024 (26 et 27 février) : convoqué par le président Macky Sall mais boycotté par 16 des 19 candidats et par les principales coalitions citoyennes, qui l’assimilent à une manœuvre dilatoire, un « dialogue national » préconise le 2 juin comme date du premier tour de l’élection présidentielle.

2024 (29 février) : un large front politico-citoyen dénommé « Fippu » (« Résistance », en wolof) est constitué pour exiger la tenue de l’élection présidentielle avant la fin du mandat du président Macky Sall le 2 avril 2024. Il regroupe le Front des candidats à la présidentielle (FC 25), la plateforme citoyenne Aar Sunu Election, la plateforme politico-citoyenne « F24 », le Front pour la défense de la démocratie (FDD) et un groupe d’universitaires.

2024 (5 mars) : le Conseil constitutionnel statue que « la fixation de la date du scrutin au-delà de la durée du mandat du Président de la République en exercice [le 2 avril 2024] est contraire à la Constitution. » En conséquence, par un décret pris le 6 mars, le président Macky Sall fixera la date du premier tour de l’élection présidentielle au 24 mars 2024. La campagne électorale débutera le 9 mars et devra se limiter à 14 jours, au lieu des 21 prévus par la loi électorale.

2024 (6 mars) : sur proposition du président Macky Sall au nom de l’ « apaisement du climat politique et social », l’Assemblée nationale (165 sièges) vote (94 voix pour et 49 contre) une loi d’amnistie des infractions commises entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques. Alors que la répression des manifestations a causé au moins une soixantaine de morts depuis 2021, la loi fait polémiqueElle sera promulguée le 14 mars 2024.

2024 (14 mars) : Bassirou Diomaye Faye, secrétaire général et « numéro deux » du PASTEF et candidat favori à l’élection présidentielle du 24 mars 2024, ainsi que Ousmane Sonko, leader du PASTEF, sont libérés. Pour rappel, le premier a été placé en détention le 14 avril 2023 suite à une publication sur les réseaux sociaux critiquant le comportement de certains magistrats, et le second, le 28 juillet 2023 pour « appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, actes et manœuvres visant à compromettre la sécurité publique de l’État et visant à créer des troubles politiques graves, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste [et] vol de téléphone portable ». Pour rappel également, le PASTEF a été dissous par le décret 2023-1407 du 31 juillet 2023, mais, le 27 mars 2024, le président Macky Sall prendra le décret 2024-830 abrogeant le décret de dissolution.

2024 (15 mars) : la Cour suprême rejette la requête du candidat « recalé » Karim Wade – fils et ex-ministre de l’ancien président Abdoulaye Wade (2000−2012) – et d’autres cadres du Parti démocratique sénégalais (PDS) visant à surseoir au processus électoralLe 22 mars, à 48 heures du scrutin, le PDS, troisième force politique du pays aux précédentes élections nationales (législatives du 31 juillet 2022), apportera son « total soutien à la coalition Diomaye Faye ».

2024 (24 mars) : Bassirou Diomaye Faye du PASTEF est élu au premier tour avec 54,28 % des voix, devant Amadou Ba de l’Alliance pour la République (APR – parti au pouvoir) 35,79 %, Aliou Mamadou Dia du Parti de l’unité et du rassemblement (PUR) 2,80 %, Khalifa Sall de Taxawu Senegal 1,56 %, Idrissa Seck de Rewmi 0,90 % et d’autres candidats, la participation s’élevant à 61,30 % et le déroulement du scrutin étant satisfaisant selon le Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE, créé en 2000). Le lendemain, 25 mars, avant même la proclamation des résultats officiels, la plupart des candidats dont celui du parti au pouvoir et le président de la République sortant Macky Sall féliciteront Bassirou Diomaye Faye pour sa victoire.


2024 (2 avril) : Macky Sall quitte le Sénégal dans les heures suivant la cérémonie de passation de pouvoir à son successeur Bassirou Diomaye Faye, pour une destination non rendue publique.


La présidence de Macky Sall se sera caractérisée par des atteintes à l’état de droit, à la démocratie, aux droits et libertés et à la cohésion nationale sans précédent au Sénégal depuis le début des années 1970 (c’est-à-dire la deuxième moitié de l’ère senghorienne), sur toile de fond de velléités de candidature à un troisième mandat anticonstitutionnel. On notera l’évolution défavorable du chômage, qui est passé d’environ 10 % en 2012 à 20 % en 2023, ainsi que de la dette publique, qui est passée de moins de 33 % du PIB en 2011 à plus de 75 % en 2023 et dont l’utilisation est sujette à caution (comme l’illustre le projet du train express régional).





La présente chronologie politique du Sénégal depuis l’indépendance a été compilée par Initiative sur l’Afrique de l’Ouest (iAO / iWA).

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